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07.02.25

Bonne nouvelle à l’attention de tous mes confrères

Nos brèves d’actualité

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Une banale inadvertance trop lourdement sanctionnée :

2ème civ., 3 octobre 2024, n°22-16.223

 

Chères Consœurs, Chers Confrères,

Si vous avez déposé des écritures en appel mais que vous avez oublié de modifier l’intitulé de la juridiction de première instance, rassurez-vous, vos écritures déposées à la cour d’appel la saisissent régulièrement. La cour d’appel ne peut déclarer n’être saisie d’aucune demande ni confirmer, pour ce seul motif, le jugement attaqué.

En l’espèce, les appelants contestaient le jugement déféré et en demandaient expressément la réformation. Quant aux intimés, ils en sollicitaient également la réformation, partielle, sans jamais contester la recevabilité des prétentions des appelants.

Pourtant, au cours de son délibéré, la cour d’appel a jugé, d’office, sans requérir les observations des parties, qu’elle n’était saisie “d’absolument aucune demande” au prétexte que les conclusions des appelants mentionnaient dans leur en-tête, “il est demandé au tribunal de grande instance de …“.

Elle en a déduit que cette “absence de demande adressée par les appelants à la juridiction d’appel équivaut à une demande de confirmation du jugement frappé d’appel” et a donc confirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions.

C’était un contre-sens procédural flagrant et une méconnaissance de l’objet et de la portée d’un appel formé et soutenu régulièrement.

C’est la raison pour laquelle, sur un pourvoi formé par le cabinet, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt confirmatif pour formalisme excessif.

La Cour de cassation retient que, les conclusions des appelants ayant été régulièrement transmises à la juridiction d’appel et contenant une demande de réformation du jugement, la cour d’appel qui a jugé le contraire en se fondant sur une simple erreur matérielle qui portait sur une mention non exigée par la loi, a fait preuve d’un formalisme excessif et violé les articles 954 et 961 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Elle rappelle en effet que le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire » (Bellet c. France, 4 décembre 1995, § 36, série A n° 333-B) et que les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même, de sorte qu’elles ne se concilient avec l’article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c. Croatie [GC], n° 40160/12, § 78, 5 avril 2018).

Ainsi, les tribunaux doivent éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Walchli c. France, n° 35787/03, § 29, 26 juillet 2007).

Ce sont ces principes essentiels que la cour d’appel avait perdu de vue en relevant elle-même d’office ce « moyen » fondé sur une erreur matérielle dans l’en-tête du dispositif des conclusions des appelants.

Cet arrêt très didactique à l’attention des cours d’appel est le bienvenu pour l’ensemble des confrères et des justiciables.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050316422